
D’après une conférence donnée lors du congrès vétérinaire Afvac 2023, par le Dr Amaury Briand, DMV, spécialiste en dermatologie vétérinaire, CHV Advetia, Vélizy-Villacoublay (78).
Les études mentionnent une prévalence de 7 à 20 % d’otite externe chez le chien mais sa fréquence est largement sous-estimée. Des particularités anatomiques rendent les otites externes particulièrement fréquentes dans certaines races. Il est important que les acheteurs des chiots concernés en soient informés afin qu’ils surveillent l’état des oreilles de leur chien et qu’ils puissent agir préventivement. Quand elles se répètent ou deviennent chroniques, les otites sont en effet difficiles à traiter.
Une otite externe est due à l’inflammation de tout ou partie de l’oreille externe, qui comprend le pavillon auriculaire, le conduit auditif et la région tympanique. L’inflammation du conduit auditif est une caractéristique commune à toute otite.
Particularités du conduit auditif du chien
Chez le chien, le conduit auditif est plus long que chez l’homme ; il comporte une partie verticale et une partie horizontale. Sa paroi contient des glandes sébacées et des glandes cérumineuses. Les secondes produisent le cérumen, qui protège l’épithélium auriculaire. Les glandes cérumineuses sont plus nombreuses en région tympanique et leur densité diminue dans la portion verticale du conduit, alors que c’est l’inverse pour les glandes sébacées. Chez un chien en bonne santé, les sécrétions auriculaires s’éliminent spontanément, selon un mécanisme de « tapis roulant » : elles migrent de la zone tympanique vers l’entrée du conduit auditif.
Particularités raciales
Hypertrichose du conduit
Les caniches, bichons, shih-tzu, etc. présentent souvent une hypertrichose auriculaire : on observe alors de volumineuses « mèches » de poils dans les conduits auditifs, qui favorisent la formation de bouchons et empêchent le cérumen d’être évacué normalement. L’accumulation de sécrétions cérumineuses peut entraîner des macérations et la prolifération de micro-organismes.
Sténose du conduit
Un rétrécissement du conduit auditif est fréquemment observé chez le sharpeï ainsi que, dans une moindre mesure, chez le carlin. La sténose est présente en région distale (près de l’entrée du conduit) et il y a des replis de peau visibles à l’entrée du conduit. Les bouledogues présentent quant à eux une sténose proximale (proche du tympan), qui favorise l’accumulation de cérumen et de débris cellulaires en région tympanique.
Ces différents défauts de conformation contribuent à la macération des sécrétions auriculaires, à l’origine d’une irritation locale puis d’une otite. Celle-ci est d’autant plus fréquente dans les races citées plus haut qu’il s’agit aussi de chiens prédisposés à la dermatite atopique. Cette maladie est en effet la première cause d’otite externe.
Hyperproduction de cérumen
Chez le cocker spaniel, et en particulier chez le cocker américain, le conduit auditif contient un très grand nombre de glandes cérumineuses. L’hyperproduction de cérumen perturbe son élimination normale et facilite la prolifération microbienne. Lors d’inflammation, le volume des glandes cérumineuses des cockers a aussi tendance à augmenter (hyperplasie), ce qui aggrave le phénomène. Le port tombant des oreilles serait également un facteur de prédisposition aux otites externes mais le sujet fait toujours débat.
Fragilité du cartilage auriculaire
Chez les chiens à oreilles semi-tombantes, le cartilage auriculaire serait plus fragile et le pli présent au milieu du pavillon faciliterait la survenue d’hématomes auriculaires (ou othématomes) lors de chocs répétés, par exemple lorsque le chien secoue la tête énergiquement.
Accumulation de mucus dans l’oreille moyenne
Le risque d’otite externe est élevé chez le cavalier king-charles (EKC) car il est prédisposé à la dermatite atopique et sa conformation brachycéphale favorise l’apparition d’une sténose proximale dans le conduit auditif.
L’EKC est également prédisposé aux otites moyennes à cause de l’accumulation d’un mucus particulièrement épais et gélatineux qui comble l’oreille moyenne (aussi appelée bulle tympanique, car elle est située en arrière de la membrane tympanique). Cette accumulation est liée à un défaut d’évacuation du mucus par la trompe d’Eustache, probablement en rapport avec le type brachycéphale et avec la conformation et l’épaisseur du palais mou. Ce type d’otite sera suspecté si le chien devient progressivement sourd. Le chien peut également présenter un prurit et de la douleur : il secoue la tête et a visiblement mal aux oreilles. Dans certains cas, l’otite entraîne une gêne à la mastication, voire des troubles de l’équilibre en cas de syndrome vestibulaire, lié à une atteinte de l’oreille interne. Cette affection se traite par paracentèse, afin de retirer le mucus en excès. Les récidives surviennent cependant fréquemment, parfois en quelques semaines seulement.
Sensibilisation des propriétaires
Les nouveaux propriétaires de chien doivent être informés des risques d’otites et savoir reconnaître les signes d’alerte : rougeur du pavillon, sécrétions auriculaires abondantes, démangeaisons locales et mauvaise odeur à l’entrée des oreilles. Il faut aussi mettre en garde les acheteurs contre les facteurs d’irritation locale tels que le toilettage, trop intensif ou l’épilation de l’entrée du conduit, qui n’est pas nécessaire chez un chien en bonne santé. Nettoyer les conduits auditifs peut être nécessaire dans certains cas mais indésirable dans d’autres. La fréquence optimale des nettoyages auriculaires est à discuter avec le vétérinaire, selon les risques particuliers présentés par le chien. Le nettoyant auriculaire sera choisi en fonction de la nature et de la quantité des sécrétions auriculaires, ainsi que de l’intensité de l’inflammation.
Quelle que soit la race, il est important d’apprendre à un chiot à accepter qu’on lui manipule et nettoie les oreilles. Cela facilitera les choses si un traitement auriculaire est nécessaire plus tard.
Article rédigé par Pascale Pibot, journaliste-vétérinaire, paru dans Lignées N°58 (avril 2024)